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Letras:Jean-Pierre Ferland. L'assassin Mondain.

La formule etait grande
L'invitation jolie
Sur velin de Hollande
Frappe a l'effigie:
"Madame est dans l'attente
De votre venue
A dix-neuf heures trente
Vingt rue des Parvenus"
Je ne fais ni un, ni deux
Je me loue un toxedo
Au plus mal et au mieux
J'arrive un peu plus tot
La sonnette me berce
La porte est en noyer
La servante est negresse
Et les fleurs en papier
La maison est baroque
Le marbre est d'Italie
Le mobilier d'epoque
Les tapis d'Algerie
Les lustres d'Angleterre
Et les portraits aussi
Je me sens loin de ma mere
Et loin de mon pays
Entre ce banc breton
Et ce divan chinois
Ce vrai napoleon
Et ce faux suedois
J'ai cru etre a l'enchere
Mais au dernier moment
Se pointe l'heritiere
Dans l'escalier normand
Madame est embaumante
"Chanel" ou "Vol de nuit"
Sa robe est ravissante
Creation "Givanchy"
L'echarpe de Castille
Les gants sont de Paris
Les bijoux de famille
Les souliers sont vernis
Le bec un peu pince
La fesse bien serree
L'elite d'aujourd'hui
A du corps a l'esprit
Je lui fais des courbettes
Et des guili-guili-guili-guili-guili
Je joue de l'epinette
Madame est servie
Porcelaine de Limoges
Cristal de Baccarat
Chandelier du Cambodge
Dentelles et falbalas
Quelques petits amuse-gueule
Pour mettre en appetit
Petales de glaieuls
Et langues de canaris
Pigeons, pinsons, pintades
Pains longs, pains ronds, pains courts
Pates, paons, piperades
Je vais, je viens, je cours
"Mais c'est sans ceremonie
Vous etes ici chez vous
J'aime la modestie
Et j'aime le bon gout"
Et de liqueur en fine
Et de fine en cafe
La voila qui s'obstine
A vouloir me montrer
Les salles et les portiques
Les caves et les greniers
Le salon de musique
Et la chambre a coucher
En passant pres du lit
On s'y attarde un peu
Je la vois qui fremit
D'un naturel douteux
Soudain, elle s'effarouche
Me regarde et bondit
Se jette sur sa couche
Me montre son nombril
Sans etre de la haute
Je sais dire merci
L'invite pour son hote
Se doit d'etre poli
Et j'ai mis dans les faits
Les faits que je vous dis
Je vous dis que j'ai fait
Ce que vous auriez dit
J'ai du forcer la note
Forcer l'hypocrisie
Que le Diable m'emporte
J'ai trop bien dit merci
La pauvre femme est morte
Les deux yeux a minuit
La pauvre femme est morte
Je fus trop poli
Mon recit fit sa ronde
Dans les cercles d'amis
Et les milieux du grand monde
De la haute bourgeoisie
Si bien que mon histoire
N'a jamais eu de fin
Je fus cite en gloire
Dans les carnets mondains
Des lettres anonymes
Reclament mes secours
Les hommes pour le crime
Les femmes pour l'amour
Ce que l'intelligence
Ne m'avait pas donne
Je dois a l'indecence
D'avoir compense
Au seuil de l'impuissance
Au sommet des salons
Je vis pour la defense
De ma reputation
Je fais des politesses
A longueur de journee
Je troque la jeunesse
Pour la celebrite
Et je vais de mal en pire
Sans changer mon decor
Je suis la fin du lit
Le boudoir de la mort
Comme un bourreau sans hache
Je suis un assassin
Que les femmes s'arrachent
Pour se donner la faim
Je suis un assassin mondain

Jean-Pierre Ferland